Nouvelle Societe

12-05-09

Cette mocheté de démocratie

Je suis depuis toujours un fidèle propagandiste de la démocratie. J’en demeure amoureux et je garde sa photo à mon chevet, mais, avec le début de l’Ere Obama qui va lui donner un nouveau sens, il devient nécessaire d’en parler davantage 

La démocratie n’existe pas. C’est un idéal à atteindre. Et encore, il faut préciser qu’elle n’est un idéal que si elle reste à sa place. La démocratie, dans une société, ne doit couvrir de ce que l’interdépendance qui nait de notre besoin les uns des autres, rend opportun de décider en commun.  J’en parle ailleurs, mais ici il ne s’agit pas de ce qu’elle doit couvrir, mais des contraintes qu’on rencontre à l’appliquer, même là où elle est nécessaire.

La démocratie vient dans une société quand celle-ci grandit et se complexifie. Le pouvoir dans un groupe est toujours à qui a la force, mais, dans un groupe où l’on est assez nombreux, la grosseur des biceps devient moins significative que le nombre des individus dans chaque faction. La force brute ne perd pas toute importance, mais le pouvoir réside de fait dans les alliances.  Disons qu’une majorité de gros biceps constitue une « majorité effective » et confère le pouvoir, « gros biceps » avec le temps, devenant gros gourdins, puis des fusils-mitrailleurs.

Chacun, pour satisfaire ses besoins et ses désirs, veut plus de liberté et donc de pouvoir; face au destin et à la nature, mais face aux autres, aussi.. En politique, « pouvoir » est le nom qu’on donne à la liberté de chacun quand elle empiète sur la liberté des autres. Chacun veut plus de pouvoir, mais, dans une société civilisée, cette quête du pouvoir est encadrée par l’ordre que fait régner la majorité effective.  L’ordre qu’exprime la loi imposée par l’État, dirigé par un gouvernement qui est l’émanation de cette majorité effective.

Plus une société est complexe, plus grande est l’interdépendance entre les sociétaires, plus grand est le pouvoir de chacun – à la mesure du besoin qu’ont les autres de lui – et plus un consensus est nécessaire. Si une majorité effective a la conviction que la loi incarne le bon droit, elle prendra toujours fait et cause pour la loi, puisque, dans une société en évolution, le rapport des forces individuelles peut changer et chacun voit qu’il gagnerait moins à s’affranchir de la loi que ce qu’il risquerait de perdre si elle cessait de s’appliquer

Quand cette opinion prévaut, on peut laisser violence et menaces en arrière plan. On peut gérer la société par des promesses dont la loi assure l’accomplissement et des récompenses dont l’État garantit la valeur. La démocratie devient la meilleure façon de réaliser le consensus. Nul, toutefois, ne perd le goût de satisfaire ses désirs, ni donc sa volonté de pouvoir ; il devient simplement  évident que la loi doit demeurer un point de repère et d’ancrage et qu’« avoir ce qu’on veut » ne passe plus par l’usage ostentatoire du fusil-mitrailleur, mais par la manipulation des lois.

En démocratie, la  rapine, pour être efficace, doit être institutionnalisée. On ne peut monter à l’assaut  de l’État chaque fois qu’on a un besoin à satisfaire et il faut donc avoir l’État avec soi. Comment ? Dans une démocratie, les lois sont faites et appliquées pour la majorité effective, par ceux dont les citoyens décident. Ces élus dont les citoyens décident, ont eux aussi des désirs à satisfaire. Ils vont chercher à se servir à leurs propres fins du pouvoir qu’ils ont. Avoir l’État avec soi n’exige donc pas de violence. Il suffit de donner, à quiconque décide, l’outil pour transformer en satisfaction le pouvoir qu’il exerce.  L’outil universel est l’argent, mais il y a mille façons de le faire.

Le pouvoir des politiciens et fonctionnaires n’est pas à eux. On le leur a confié. Quand ils le monnayent, ils l’usurpent et le volent.  C’est le plus grave des abus de confiance.  Mais qui ne le fait pas ? Qui ne le ferait pas ? Qui aurait cette intégrité « à la Robespierre » d’être totalement incorruptible ?  Et croit-on qu’on trouvera jamais assez de ces incorruptibles pour occuper tous les postes de l’État où il y a des décisions à prendre ? La corruption suit la démocratie comme son ombre. Comment la contrôler ?

Il y a un double problème de corruption à résoudre en démocratie. Celle au palier de l’exécution, d’abord, qu’on peut contrôler par la transparence et un processus efficace d’appel de toute décision rendue.  C’est possible, si on extirpe soigneusement du système tout ce qui est dilatoire.  J’en parle ailleurs. 

Il y a aussi, toutefois, une corruption au palier décisionnel qui ne peut être réglée que par une fragmentation horizontale et verticale du pouvoir, un changement structurel de fond qui prendra du temps.  Dans l’immédiat, pour contrer la corruption, il faut donc se préparer lucidement à un recul de la démocratie. 

Ce recul  peut être temporaire et marquer le passage à une démocratie plus efficace.    Il peut aussi être prévu comme permanent, et être la première étape vers un Nouvel Ordre Mondial dont on a des raisons de se méfier.  Un changement qu’Obama n’est peut-être pas venu empêcher, mais accomplir.  Je vous en reparlerai.

 

Pierre JC Allard

15 commentaires »

  1. Je suis revenu le relire et effectivement, ils ont sans doute été choqués par le titre et n’ont jamais lu le reste

    Commentaire par beauregar — 14-05-09 @ 4:36

  2. le systeme communiste se developpe pourtant mais il est privatisé c’est à dire que ce sont des groupes privés qui gerent de façon verticale la vie de millions de personnes !! l’exemple le plus frappant en france c’est carrefour ,qui vend sous ses marques des produits manufacturés ,qui fait du credit revolving (donc de la carte bleue),des assurances,des forfaits telephones ,regroupent dans ses filiales des services à la personne (auto,restauration,coiffure etc) … enfait apres la guerre de l’avoir (la guerre 14-18 et sa lutte pour la ruhr charbonneuse et industrielle) ;apres la guerre de l’être -la guerre 39-40 et son génocide- ,il y a une guerre economique ,où l’exil economique vaut comme dans l’antique gréce un mortel bannissement ,où le salariat semble être la forme la plus courant de l’esclavage !! cette guerre economique apres les guerres mondiales de l’avoir et de l’être est la guerre des relations interpersonnelles ,et donc de la cohesion même de la société : il faut refuser le vain sacrifice des délocalisations,du démenbrement des services publiques qui affaibissent autant qu’une leucemie !! la loi hadopi,les politiques d’immigration,les tortures,les guerres préemptives et préventives sont les marques d’une derniere ligne maginot face à un monde liquide multipolaire !!! la clé de ce monde de l’information réside dans la libre circulation des flux : un pays ,une entreprise qui choisit le brevet,le protectionisme,le racisme se condamne : plus un modele/standard est ouvert et diffusé plus il a de parts de marché ,plus ce modele est verrouillé moins il fonctionne : regardez microsoft,tf1,general motors !!!

    Commentaire par groucho — 16-05-09 @ 10:30

  3. @ Groucho: Vous connaissez le dilemme du passeur qui a chèvre, loup et choux… et deux places en barque ? Ceux qui parlent aujourd’hui de protectionnisme et de libre échange, souvent ne le connaissent pas…

    169. Le capital déserteur

    PJCA

    Commentaire par pierrejcallard — 16-05-09 @ 5:12

  4. Je vous cite:

     » Il peut aussi être prévu comme permanent, et être la première étape vers un Nouvel Ordre Mondial dont on a des raisons de se méfier. Un changement qu’Obama n’est peut-être pas venu empêcher, mais accomplir. Je vous en reparlerai. »

    En effet, le discours prononcé par Obama au Caire semble annoncer ce que les va-t-en-guerre Bushistes n’ont pas réussi: une réintégration du monde musulman dans le grand brassage du libre échange économique mondial…

    Car le nouvel Ordre Mondial ne peut être basé que sur le libre échange économique…Le libéralisme absolu.
    Et cela semble tout doucement (quoique très rapidement!) se mettre en place : Les Etats-unis fusionneraient (?) avec le Mexique et le Canada en une zone unique, l’Asie commence à former un bloc économique cohérent, l’Europe est en route depuis un moment vers le tout libéral…

    Est-ce à cela que vous pensez lorsque vous dites « Un changement qu’Obama n’est peut-être pas venu empêcher, mais accomplir. » ?

    Reste à régler le cas de quelques trublions comme la Russie, l’Iran, Israël, (l’Irak, c’est fait!) et surtout le bloc Africain (qui pour le moment n’est « traité » que par la déstabilisation permanente,savamment entretenue, ultime aboutissement de la bonne vieille colonisation.)

    Commentaire par pierrot123 — 12-06-09 @ 3:14

  5. @ Pierrot123. Le libre échange global était le meilleur scenario pour permettre l’industrialisation de l’Asie et l’expansion du capitalisme. Quand le NWO ne mise plus sur le capitalisme, mais retourne à la force brute -qui conserve le pouvoir à une élite par cooptation et ne traite plus l’argent que comme une création du pouvoir lui-meme – il devient plus facile de gérer le monde en le scindant en blocs culturels autarciques relativement homogènes et entre lesquels le moins de contacts le mieux. Cela n’est applicable que si l »élite globale est une et a un esprit de corps – un état instable – ou si l’élite de l’un des ensembles est si dominante qu’il n’est pas contesté que c’est elle qui détermine les regles du jeu et assure l’arbitrage. Je pense que le systeme teste les deux approches, mais on en est réduit aux conjectures, car on ne nous le dira pas… 😉

    Barack-le-Rouge

    PJCA

    Commentaire par pierrejcallard — 12-06-09 @ 8:37

  6. Encore ce matin un magnifique papier. Oui M. Allard, quand l’extorsion remplace la corruption, mondialement, c’est que la pourriture a gagné tous les niveaux et que le fruit est mûr pour rejoindre les détritus.
    J’ai terminé, tard hier soir, la lecture de votre roman L’Évangile de l’Autre; après avoir fini la lecture de Le Printemps de Libertad, dans l’après midi.
    À part quelques fils blanc, vite oubliés, Le Printemps de Libertad, est un magnifique ouvrage où, en plus d’une histoire bien ficelée, toute votre connaissance des méandres de la politique nous ouvre les yeux sur les stratégies du milieu interlope, en haut comme en bas de la société.
    Prophétique à plus d’un sens, le gang d’Hochelaga ne nous renvoie-t-il pas à cette violence et à l’extorsion dont vous parliez dans le billet d’aujourd’hui. Moi, grand naïf, c’est la crise qui m’a ouvert les yeux sur toute cette manipulation, que j’intuitionnais, mais qui est tellement pire que tout ce que je pouvais imaginer. Je conseille ce livre à tous les naïfs du monde, la majorité. Une fois éveillés peut-être pourrons-nous changer le monde???
    Pour ce qui est du livre L’Insurrection qui vient, je l’avais déjà lu, recommandé par un blogueur d’un des sites contestataires que je fréquente.
    Mais je dois vous dire, M Allard, que je ne crois pas que l’anarchie où un immense Mai 68 soit la solution à nos problèmes contemporains. Arracher des pavés et briser des vitrines, ça défoule, j’en conviens, mais nous avons besoin d’une organisation meilleure, si nous voulons un meilleur monde.
    Je ne crois pas qu’une bonne société apparaisse subitement, comme l’on croyait encore au XIXᵉ siècle, à la génération spontanée (une souris nait d’un tas de chiffon). Le pire n’engendre pas le mieux. Pour moi, une bonne société n’est possible que si les hommes qui la composent sont bons.
    Pour ce faire, il faut apprendre à désamorcer le tueur, le fraudeur et le manipulateur en nous. Nous avons tous un esti de pourri de capitaliste qui sommeille dans notre inconscient. Pour cette raison, la prochaine révolution sera intérieure, avant tout, puis extérieure.
    La vie affective, intérieure, psychique, spirituelle, qui a été balancée en même temps qu’une Église méprisable, doit refaire surface : belle, franche, noble, débarrassée des scories du temps, des peurs et des superstitions. La psychologie qualitative, car il y a aussi la psychologie quantitative, a fait des progrès incroyables en ce sens ces dernières décennies. Il y a des techniques pour être à l’affut du lanceur de pierre, du fourbe en nous, et l’empêcher d’agir. C’est là la grande révolution et le seul chemin du bonheur.
    Ensuite, une organisation de type, incontrôlable, cellulaire, où chacun devient un organisateur de sa petite pyramide, où chaque personne ne connait qu’un contact… etc., etc., vous savez de quoi je parle et connaissez sûrement mieux que moi comment un tel mécanisme pourrait s’organiser.
    Sur le Net, dans un site protégé de type Freenet, où celui dont parlait Éric la semaine dernière, de la véritable information circulerait : comment devenir bon, comment boycotter honnêtement ce système pourri. Il n’y a qu’une fraternité qui peut instaurer la Grande Fraternité. Il y a plein de monde, dans tous les pays, qui sont prêts à prendre le bateau si l’on propose quelque chose d’honnête.
    Je suis un rêveur… Et s’il revenait.

    Commentaire par Redg — 22-06-09 @ 8:25

  7. @ l’extorsion montre la tête parce que l’on est en phase terminale de civilisation. Les gangs ont toujours été là, et il y a bien 30 ans que Alvin Toffler est sorti du placard pour parler des Yakuza et dire ouvertement ce que tout ce qui compte savait, qu’on ne fait rien de sérieux sur cette terre si on n’a pas accès quelques part à un « bras » qui va jeter son glaive dans la balance, pour au moins équilibrer les « bras » de vos adversaires. Dans un État de droit, l’équilibre s’établit entre ‘yakuzas’ et la loi arbitre. En fin de civilisation, ce que peut apporter la loi ne modifie plus de façon déterminante le rapport des forces et le plus gros bras fait la loi. Dans la plupart des pays sous-developpés, aujourd’hui, la loi du plus gros bras s’applique.

    http://nouvellesociete.org/A58.html

    PJCA

    Commentaire par pierrejcallard — 22-06-09 @ 2:14

  8. Notre démocratie n’est pas tant à plaindre que cela.

    Si l’on trouve une alternative pour contrer le pouvoir des lobbies et si l’on réussis à greffer une charte des devoirs à celles des droits la démocration qui est déja en marche s’en verrait déja améliorée grandement.

    Commentaire par François Breton — 15-07-09 @ 1:15

  9. @ FB

    La question est justement le pouvoir des lobbies. L’histoire a prouvé que seul un gouvernement dictatorial peut mette fin à la corruption, non par vertu, mais parce que celui qui a le pouvoir de prendre ce qu’il veut ne peut évidemment pas être acheté. On a donc ce problème de périodes « autoritaires » qui viennent de temps en temps faire le ménage, sans quoi une corruption plus où moins apparente suscite une extorsion et l’une et l’autre en viennent à TOUT contrôler, pendant que l »État de droit devient une fiction. Ne pensez pas qu’un pays comme la France soit à l’abri d’une dérive autoritaire. Ce qui se passe à Montreuil peut déraper rapidement. Août arrête tout, mais la rentrée pourrait être dure.

    171. Karcher

    PJCA

    Commentaire par pierrejcallard — 15-07-09 @ 9:15

  10. […] Il serait temps que la justice ajoute autre chose que des amendes à payer à ces compagnies. La corruption acceptée passivement par les fonctionnaires et les responsables de la justice n’est pas plus […]

    Ping par La liste de Pfizer « LA VIDURE — 17-09-09 @ 12:13

  11. […] Il serait temps que la justice ajoute autre chose que des amendes à payer à ces compagnies. La corruption acceptée passivement par les fonctionnaires et les responsables de la justice n’est pas plus […]

    Ping par La liste de Pfizer « Les 7 du Québec — 24-09-09 @ 12:07

  12. […] Il serait temps que la justice ajoute autre chose que des amendes à payer à ces compagnies. La corruption acceptée passivement par les fonctionnaires et les responsables de la justice n’est pas plus […]

    Ping par La liste de Pfizer | Les 7 du Québec — 28-07-13 @ 11:33

  13. […] remplace le capital fixe comme facteur prioritaire de la production. La troisième, c’est une redéfinition de la démocratie, car celle que nous avons ne donne plus le change et ne joue plus son rôle.  Cette évolution en […]

    Ping par LE SENS DES FAITS – Volume 3 | Pierre JC Allard — 16-06-14 @ 11:40


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