Nouvelle Societe

10-03-08

036. Visa de sortie

Filed under: Auteur — pierrejcallard @ 11:56

Le Docteur Maurice Généreux a été condamné à deux ans de prison. Il avait plaidé coupable à l’accusation d’avoir prescrit de puissants barbituriques à deux séropositifs qui souhaitaient se suicider. Le Conseil des Canadiens handicapés se dit déçu; la sentence ne serait qu' »une petite tape sur le bras… ». Le Procureur en la cause trouve aussi que c’est bien peu, et il ira en appel: il voulait 6 ans de pénitencier. L’an dernier, on s’est creusé les méninges pour trouver une excuse légale qui permette de ne pas condamner à la prison à vie cet homme qui avait mis fin aux souffrances de sa fille incurable. Il y a quelques années, c’était Sue Rodriguez qui faisait les manchettes en réclamant qu’on l’aide à ne plus vivre, à ne plus souffrir…

J’aimerais bien que le gouvernement arrête de faire semblant de ne pas comprendre. Est-ce qu’on s’interroge sur le droit des handicapés à vivre? Est-ce qu’on se demande si les médecins ont le droit de décider de tuer leurs patients? Est-ce que quelqu’un veut sérieusement proposer que les conseils de famille, héritiers inclus, choisissent sans leur en parler de mettre fin au moment opportun aux jours de leurs vieux parents? Si c’était ça, je pense que le débat serait terminé: l’immense majorité de la population, comme moi, veut qu’on respecte le droit à la vie des handicapés, des vieillards et de tous ceux qui veulent vivre.

Mais s’il s’agit de contester à un adulte consentant et sain d’esprit le droit de mourir quand il lui plaît, c’est une toute autre histoire. Si c’est ça et que la maladie et la souffrance – ou des raisons qui ne regardent que lui – amènent quelqu’un à prendre cette décision, je ne voudrais pas, en conscience, être celui qui viendrais l’en empêcher. Je ne crois pas que l’on devrait l’en empêcher. Je ne crois pas que le médecin ait d’autres questions d’éthique à se poser, avant d’aider un patient à mettre fin à ces jours, que de s’assurer que son patient sait ce qu’il fait et ne subit l’influence de personne.

Et qu’on ne vienne pas me dire que quiconque veut mettre fin à ses jours n’est pas sain d’esprit. Pour celui qui voit venir une mort lente et douloureuse après des jours ou des années d’une vie dont toute joie sera exclue, choisir de mourir n’est pas une preuve d’insanité: c’est une décision peut-être discutable, mais qu’il faut respecter. Ceux qui s’y opposent pour des raisons religieuses s’arrogent le droit de transformer en lois leurs croyances, ce qui est inadmissible. Le principe sacré qu’il faudrait établir, c’est que mourir est bien une décision personnelle.

Quand ce principe sera établi, on évitera bien des malentendus. On ne demandera plus aux médecins que de s’assurer que c’est bien la décision réfléchie du patient de ne plus vivre. Peut-être qu’une demande écrite devant notaire, un délai de réflexion de 30 jours et un examen par un psychiatre spécialement habilité à cette fin feraient l’affaire. Ça ou autre chose. L’important, c’est de décider une fois pour toute que la vie n’est pas une prison dont on a perdu la clef ni un goulag: on peut demander un visa de sortie.

En réglant le cas de l’adulte consentant et sain d’esprit – et par voie de conséquence de ceux qui acceptent dans les conditions pré-établies de lui prêter assistance – on règle des malentendus mais on est loin d’avoir tout réglé. On n’a pas réglé le cas de ceux qui ne peuvent pas prendre la décision eux-mêmes. Pour la majorité de ceux-ci, toutefois, il y a une solution.

Tout citoyen devrait, dans les 30 jours suivant sa majorité, être tenu de faire devant notaire une déclaration précisant ses instructions de survie ou d’euthanasie si, pour cause de maladie ou accident, il était inconscient ou devenait incapable d’une décision à cet effet. Cette déclaration consisterait en un formulaire déjà préparé permettant de répondre à certaines questions précises – conditions de ré-animation, états comateux prolongés, incapacités graves permanentes, etc – complété des notes spécifiques que l’individu voudrait y ajouter.

Cette déclaration serait scellée et gardée dans les voûtes d’un registraire de l’État. L’individu pourrait la modifier en tout temps, mais nul autre n’y aurait accès sous aucun prétexte. Advenant les circonstances où il semblerait nécessaire d’obtenir cette décision d’un patient alors qu’il est désormais incapable de la prendre, la déclaration serait ouverte en présence d’un juge, du médecin responsable et des héritiers légaux. Ce serait ensuite la responsabilité du médecin d’accomplir la volonté de son patient, telle qu’exprimée dans sa déclaration.

Cette approche non plus ne règle pas tout. Que doit-on faire pour les enfants qui souffrent ? Pour ceux qui ne sont pas sains d’esprit? Dans ces cas, il me semble que les risques de dérapage sont trop grands pour qu’on soit permissif: on ne devrait jamais justifier le meurtre par compassion de quiconque n’y a pas formellement consenti. Ce qui ne devrait pas empêcher les juges d’avoir comme aujourd’hui, envers ceux qui agissent de la sorte, l’indulgence que chaque cas d’espèce leur semblera justifier.

Si l’État prenait ainsi une position claire, on rassurerait les hancicapés et les autres qui se sentent menacés, tout en allégeant le poids sur les épaules de ceux pour qui la vie est devenue un fardeau et en exonérant ceux qui les aident à accomplir leur dernière volonté.

Pierre JC Allard

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