Nouvelle Societe

07-02-05

T14 Les professionnels

Filed under: Auteur — pierrejcallard @ 11:20

La certification scinde la main d’œuvre entre professionnels – auxquels on garantit le niveau de revenu correspondant à leur compétence – et non-professionnels, auxquels n’est garanti que le revenu de base. Nous parlons ici des premiers et il faut d’abord distinguer chez ces derniers entre professionnels salariés et autonomes.

Pour le salarié, la certification détermine son revenu-plancher. Laissons ici de côté ceux pour qui l’emploi salarié n’est qu’un en-cas en attendant mieux et pour qui le statut professionnel n’est donc qu’une bonification. Voyons ceux dont on prévoit qu’un salaire demeurera la principale source de revenu. Les professionnels qui vont rester salariés sont ceux auxquels des circonstances exceptionnelles ne permettrent pas que l’on offre une forme de compensation plus motivante. Qui sont-ils?

Dans les secteurs primaire et secondaire, ces salariés seront généralement des experts à compétences très pointues, irremplaçables, et dont on ne voudra à aucun prix qu’ils désertent, ni surtout qu’ils amènent ailleurs des renseignements précieux. Ils seront peu nombreux. Avec le temps, même pour ces relations qu’on veut permanentes, on remplacera aussi le salariat par un partenariat à long terme. Ils ne disparaîtront pas, mais leur nombre ne pourra que décroître dans une structure où l’impartition et la sous-traitance deviendront les formes privilégiées du travail,

Au secteur tertiaire public, les professionnels salariés seront les fournisseurs de services dont la nature des tâches est telle qu’on ne peut pas faire dépendre leur rémunération de ceux qui sont l’objet de leur attention – juges, militaires, policiers – et ceux, comme les gouvernants et les administrateurs publics, dont l’évaluation de la performance ne pourrait être objective.

Tous ceux, qu’ils soient nommés ou élus qui, à divers paliers, décident et engagent la responsabilité et la réputation de l’État doivent être des salariés. Dans le tertaire public, c’est ce fonctionnariat « décisionnel », dont on attend une totale loyauté, qui va constituer les effectifs professionnels salariés . Dans le tertiaire privé, le statut de salarié sera pour ceux – gestionnaires et mandataires – dont on attend cette même loyauté. Demeurant autonomes ceux dont on exige une obligation de résultat.

Il y aura peu d’autres professionnels salariés permanents. Beaucoup le seront à titre temporaire, toutefois, car les travailleurs professionnels comme non–professionnels ont droit en tout temps à un emploi garanti et s’en prévaudront pour de brèves ou longues périodes. L’autonome professionnel, quand il rate le trapèze, atterrit mieux que le non professionnel dans le filet d’un emploi que lui procure l’État. Il ne s’y laissera choir qu’en cas de nécessité, cependant, car son taux de rémunération salarié sera sciemment prévu légèrement inférieur à ce qu’il pourrait retirer d’un travail autonome.

Ce sont des professionnels autonomes qui fourniront les services qu’offrent aujourd’hui les grands réseaux gérés par l’État, comme l’éducation et la santé. Aux services dont l’État assure dès à présent le paiement, viendront s’en ajouter d’autres, à mesure que l’enrichissement de la société le permettra et qu’un consensus social acceptera que soit haussé le seuil minimal de ce qui est jugé essentiel.

Dentistes, optométristes, chiropraticiens et bien d’autres seront sans doute intégrés vite au système de rémunération par l’État. Tous ces services liés à la santé, s’ils ne le sont pas déjà, seront rendus par des professionnels autonomes. L’État prendra aussi en charge la rémunération des professionnels de diverses autres disciplines dont on souhaitera que chaque citoyen puisse bénéficier des conseils ou des services.

Comment concilier ce statut de travailleur autonome avec l’engagement de l’État d’assumer le financement des services auxquels la société juge qu’en principe tout citoyen a droit ? En utilisant la formule de la capitation, dont nous parlons d’abondant dans un autre texte. La capitation permet que le professionnel garde son autonomie, que l’utilisateur garde le choix de son professionnel et que l’État s’acquitte de son obligation de paiement, sans que ne soit rompu le lien essentiel qui aujourd’hui fait parfois défaut entre la satisfaction de celui qui reçoit un service et la rémunération de celui qui le rend. Pour ceux dont le revenu est ainsi payé par capitation, un statut professionnel est essentiel pour en bénéficier, car on ne peut garantir un revenu sans savoir à combien de professionnels il profitera.

La majorité des professionnels autonomes, toutefois, ne seront du secteur public. Il seront au secteur privé et offriront leurs services à la population contre rémunération, à titre privé et selon les termes des ententes dont ils auront convenu avec leurs clients. Ils seront des entrepreneurs. Pour eux, l’importance du statut professionnel va décroitre, pour deux (2) raisons.

La première, c’est que quiconque le souhaite pourra offrir à la population, contre paiement, tous les services légitimes qui trouveront preneurs, à la seule condition de ne faire aucune fausse représentation quant à sa compétence, sa certification, ses appartenances professionnelles, les résultats qu’il a obtenus ou ceux qu’il s’engage à obtenir. La transparence doit être parfaite, mais il n’y a pas d’interdits. Certains d’entre eux offriront des services du même type que ceux dont le coût est pris en charge par l’État, mais en s’adressant alors à la demande pour la part de ces services qui excèdera le seuil fixé par le consensus social en deçà duquel ils sont jugés essentiels.

La seconde, c’est que la complexification croissante des spécialités rendra difficile leur certification efficace. Le statut professionnel fera foi d’une compétence indéniable, mais à laquelle pourront s’être ajoutés d’autres modules, voire d’autres bribes de compétences encore mal identifiées, conduisant le professionnel à agir hors du champ de sa compétence certifiée. Chacun deviendra unique,

Le prestige et le succès sont aussi des obstacles à la standardisation stricte qu’implique un statut professionnel. Certains innoveront et leur revenu pourra augmenter de façon illimitée. Bravo. Ils sont des entrepreneurs. Ils doivent seulement demeurer conscients que, s’ils veulent se prévaloir de la garantie d’un emploi salarié, leur rémunération ne sera pas à la hauteur des revenus qu’ils auront tirés de l’exercice autonome de leur profession comme entrepreneurs. Comme salariés, elle sera en conformité du barème de la certification professionnelle la plus élevée qu’ils auront obtenue.

Pierre JC Allard

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