Nouvelle Societe

07-02-05

T1 Le travail en crise

Filed under: Auteur — pierrejcallard @ 9:02

Dans cette série de 30 textes nous allons parler du travail. Rien n’est plus important que le travail, car le projet prioritaire de tout individu est de satisfaire ses besoins et ses desirs, en transformant ce qui est en ce qu’il voudrait qui soit. C’est ce qu’on appelle produire et le moyen d’y parvenir est le travail.

On peut dire à juste titre que les individus s’assemblent d’abord en société pour assurer leur défense en commun, mais, dès qu’une société existe, c’est produire qui devient la priorité de tous les instants et c’est la division du travail que permet la vie en société qui devient le meilleur argument pour qu’on accepte les contraintes que celle-ci exige. La place du travail dans la société est primordiale.

Le travail est à la fois la clef de la production et donc de l’activité économique et la pierre d’assise de la structure sociale, puisqu’il est la forme privilégiée de distribution du revenu qui permet la consommation consensuellede cette production. Or, ajourd’hui, le travail est en crise. Aujourd’hui, nous avons une crise financière qui fait les manchettes, mais, derrière cette crise qui met en interaction des symboles, il y a le problème réel d’une production mésadaptée aux besoins et celui, encore plus grave, de l’exclusion systématique d’une part croissante de la main-d’oeuvre de toute participation significative à la satisfaction des besoins de l’humanité.

Une exclusion de la production qui sert à justifier son exclusion la consommation équitable du produit. Son exclusion concomitante, aussi, tout processus de décision et donc de tout engagement profond envers l’évolution et le développement de cette société dont cette main-d’œuvre laissée oisive est aliénée. C’est cette cette aliénation qui est le problème prioritaire auquel la société contemporaine doit faire face.

Cette aliénation, dans les pays développés, prend la forme emblématique du chômage. Dans les pays sous-développés ou en voie de développement, la non-participation à l’effort productif, prend d’autres noms et d’autres formes et exige des mesures remédiales tout aussi radicales, mais des mesures différentes dont nous parlerons ailleurs. Dans la présente section, c’est une solution au problème pour les pays développés de la remise au travail de tous leurs sociétaires que nous chercherons. C’est la clef d’un avenir de prospérité et de paix.

La solution au problème de la remise au travail passe d’abord par la compréhension, de la distinction entre travail et emploi. Le travail, c’est un effort qu’on consent pour obtenir un résultat. Aussi longtemps que tous nos besoins ne seront pas comblés et que tous nos désirs ne seront pas satisfaits, il y aura toujours du travail à accomplir, Dite que l’on manque de travail est une absurdité. Le problème actuel n’est pas que nous manquions de travail, mais que nous manquions d’emplois, ce qui n’est pas du tout la même chose.

L’emploi n’est qu’une façon de travailler; c’est celle qui consiste à exécuter certaines tâches, ou à s’acquitter de certaines fonctions, en considération d’un salaire déterminé. Il y a d’autres façons de travailler et d’autres modes de rémunération. Avant la révolution industrielle, l’emploi comme nous le connaissons aujourd’hui, n’existait guère que pour les domestiques qu’on « engageait » – et qui recevaient leurs « gages » -et pour les soldats, qui touchaient leur « solde ». Serfs et artisans, commerçants, troubadours, la masse de la main-d’oeuvre était constituée de travailleurs autonomes. Ceux-ci manquaient souvent de revenus, mais jamais de travail.

C’est avec l’industrialisation que la majorité des travailleurs ont cessé d’être autonomes pour devenir dépendants d’une machine sans laquelle leurs efforts n’avaient plus qu’une valeur dérisoire. Dans cette situation de dépendance du capital fixe, l’emploi à salaire fixe apparaissait comme un progrès social, remplaçant la rémunération à la pièce qu’on pouvait dire inhumaine, même si des cyniques pourraient penser que cette dernière a surtout été mise au rancart parce qu’elle avait le tort d’être incompatible avec le travail à la chaîne…



L’emploi – le « job » – est la meilleure façon de travailler à la chaîne, quand on peut diviser le travail en ses éléments constituants les plus simples et superviser l’exécution de chaque élément en mesurant son output immédiat. Pour fabriquer des souliers ou des jujubes, par exemple, le « job » est imbattable. Dans le travail à la chaîne, chaque travailleur, comme une machine, a son « programme » qui est son « job »; le système agence l’output de chaque travailleur et tout le monde trouve, au bout de la chaîne, chaussure à son pied et des jujubes à son goût. C’est la façon de travailler qui correspond le mieux à une production industrielle, quand le travailleur exécute du « travail en miettes ». 



Mais aujourd’hui, nous n’en sommes plus là. Maintenant, ce sont de vraies machines qui font – et qui feront de plus en plus – ce que faisaient ces ouvriers industriels de jadis qu’on traitait comme des machines. Le problème, c’est que, pour le travail qui exige encore une intervention humaine directe dans une production tertiaire, l’emploi n’est simplement pas la meilleure structure d’encadrement et de rémunération. D’autres façons de travailler correspondent mieux aux exigences des sociétés postindustrielles.

Les emplois sont donc en voie de disparition. Les emplois disparaissent parce qu’ils sont devenus une forme désuète d’encadrement du travail.

Les emplois disparaissent? Où est la surprise? Il y a deux siècles qu’on remplace des travailleurs par des machines ! La crise que nous vivons n’est pas une surprise, elle est simplement la phase ultime de la révolution industrielle.

Nous utilisons des machines de plus en plus performantes et la conséquence pour la main-d’oeuvre – discutées ad nauseam depuis des décennies! – était inévitable et parfaitement prévisible : une même main-d’œuvre allait produire de plus en plus… ou une production industrielle constante exigerait une main-d’oeuvre de plus en plus réduite.

Parler de récession et de conjoncture pour expliquer le chômage actuel est donc un pieux mensonge. Il faut d’abord accepter cette évidence d’une incontournable baisse de la demande de travail quand un seuil de satisfaction est atteint. Ensuite, il faut en tirer les conséquence et faire ce qu’il faut faire. Après, on devra très certainement s’en réjouir…

Pierre JC Allard

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