Nouvelle Societe

14-09-08

L’argent pour rire

Filed under: Auteur,lesensdesfaits — pierrejcallard @ 3:49

Le Systeme a pu rendre fonctionnel un systeme qui supposait qu’on se gave sans engraisser, en ne donnant à chacun que ce dont il voulait se nourrir, comme les petits koalas qui seuls se délectent des feuilles d’eucalyptus. Le riche porte son fric à la banque. Le pauvre achète des vivres, mais son épicier ou le fournisseur de son épicier porte aussi le fric a la banque. Le surplus d’argent est éliminé aussi sûrement qu’un exces de vitamine C.

Métabolisme social parfait, pour autant que l’ingestion soit totalement contrôlée. Plus question, donc, d’or ou de friandises; c’est l’État qui, comme Humpty Dumpty, va décider de ce que veut dire « richesse ». Quand son pouvoir s’affirme, l’État n’a plus à confirmer le poids en or ou en argent d’une pièce en y posant son sceau. Sa seule signature suffit et le papier peut devenir monnaie.

Dès que la corruption s’est avérée plus efficace que la violence, la richesse s’est donc confondue pratiquement avec le pouvoir, puisque, dans un monde où l’argent peut satisfaire les désirs, la richesse apporte le pouvoir, mais que c’est le Pouvoir qui imprime la richesse. Il suffit qu’on y croit et celui qui est fort est cru.

Le Pouvoir qui est cru crée l’argent qu’il veut et le donne à qui il veut; c’est une création totale, discrétionnaire. L’argent, qui est devenu le symbole ultime du pouvoir, passe sous le contrôle absolu du Pouvoir lui-même. On est riche ou pauvre, désormais, par simple décision du Pouvoir, décision prise et exécutée selon des règles que le Pouvoir détermine. On laisse alors les balbutiements et l’on peut créer un véritable capitalisme.

La règle première et suffisante, celle qui crée le capitalisme et assure au Pouvoir le contrôle imparable des conditions d’échange, c’est que quiconque a de l’argent en reçoit plus. C’est ce qu’on appelle toucher un intérêt. Le montant de cette prime à la richesse est fixé de façon à maintenir la stabilité du pouvoir en enrichissant les plus riches, en préservant l’aisance de ceux qui ont quelques biens et donc quelque pouvoir et en exploitant les autres.

On appelle Banque l’entité qui gère cette opération récurrente. Le mécanisme précis de création d’argent passe par le privilège de la Banque de prêter ce qu’elle n’a pas; ce privilège lui est garanti par l’État, lequel « émet des obligations », qui sont autant de promesses de donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup, tout en contrôlant l’inflation qui devrait en résulter en réduisant la consommation de ceux qui manquent du nécessaire. Le paiement gracieux d’un intérêt par l’État à la Banque détermine le taux d’intérêt à tous les paliers de la structure et équivaut au détournement continuel de la plus value du travail de la société vers les membres de l’alliance dominante.

Il n’y a aucune logique au paiement d’un intérêt par l’État, puisque c’est lui qui crée ou fait créer l’argent, si ce n’est le maintien du pouvoir en place. Les rationalisations qu’on en donne s’appuient sur des pétitions de principe et des sophismes.  Seul un lavage de cerveau incessant empêche la population de se rendre compte que là est la source de toute iniquité. Seule une population totalement endoctrinée peut croire aux balivernes qu’on lui raconte pour justifier ce transfert éhonté de richesse des pauvres vers les riches.

Aussi longtemps que la richesse a un support matériel, pourtant, la richesse est en péril. On peut engranger les récoltes, on peut thésauriser l’or, cacher des billets de banques, mais ces biens demeurent appropriables par la violence, vulnérables à des « accidents », guerres, catastrophes, etc. La solution finale, pour le capitalisme, a été l’identification de la richesse à un symbole totalement intangible et donc PARFAITEMENT contrôlable: l’argent électronique. L’argent électronique est invulnérable.

Il est invulnérable, parce qu’il ne repose sur rien d’autre qu’un consensus. Une note électronique à coté de votre nom, sur un ordinateur, peut faire de vous le maître du monde. C’est une décision libre, réversible, sans contrainte et arbitraire du Pouvoir, le Pouvoir étant l’équipe qui assure le fonctionnement et la permanence du Système : l’élément décisionnel de l’alliance dominante.

Le Pouvoir peut effacer cette note électronique et rien de tangible ne se passe; il peut la ré-écrire, l’effacer à nouveau… la magie n’est pas là. Mais que le Pouvoir fasse connaître OFFICIELLEMENT que la note n’est plus là et vous n’êtes plus rien. C’est la situation de César qui ferait apparaître des légions armées en nombre infini, d’un simple effort de volonté. Aucune gouvernance n’a jamais été aussi proche d’un pouvoir divin.

Quand le New Deal et les mesures similaires qui ont été ensuite adoptées un peu partout dans le monde ont permis de passer au néolibéralisme, il ne s’agissait que de redistribuer des cartes dont on gardait les as dans sa manche. On pourrait bien donner tout l’argent qu’on voudrait à qui on voudrait, il ne s’agissait que d »équilibrer une production et une consommation en gardant le peuple trtanquille et en donnant aux puissants ce qu’ils voulaient… ce qui, dans le monde du tangible, n’était vraiment pas grand chose.

On allait vers l’abondance et, plus on s’en rapprochait, plus l’arc-en-ciel paraissait diaphane. Plus le jeu de produire paraissait une simple excuse pour donner un sens à la vie, plus les enjeux semblaient irréels, comme des reflets dans un miroir. L’argent pour rire n’était qu’un des éléments d’un épisode d’amour courtois, entre les besoins traditionnels de l’humain … et la hantise de ne plus trop savoir a quel désir se vouer, ni pour quoi rompre des lances, maintenant que la Dame Abondance avait dit oui.

Pierre JC Allard

3 commentaires »

  1. Intéressante réflexion : nous sommes en pleine remise en question des fondamentaux qui nous régissent.

    Les temps sont propices au changement.

    Commentaire par Hamelin — 04-08-11 @ 4:17

  2. Merci pour cette réflexion intéressante.

    Commentaire par Martine — 04-08-11 @ 2:48

  3. @ Hamelin, Martine

    Merci. Ne pas oublier, cependant, que ce principe posé on en tiré les conséquences concrètes… menant à un enrichissement énorme, mais déséquilibré, et finalement à la crise que nous vivons aujourd’hui.

    Le monde irréaliste

    Jouer dans l’hyperespace

    PJCA

    Commentaire par pierrejcallard — 04-08-11 @ 7:37


RSS feed for comments on this post. TrackBack URI

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.