Nouvelle Societe

29-09-14

La mort par insignifiance

Filed under: Auteur — pierrejcallard @ 12:00

lutte boue

« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles…. » On peut compléter Valery en indiquant la cause probable de décès : les civilisations meurent quand elles acceptent de ne pas avoir de sens….. Lutter dans la boue, pour ce dont on a déja trop par exemple.

Notre civilisation est en phase terminale. Les attaques du mal d’insignifiance viennent par vagues, sapant une valeur-référence d’une civilisation, puis la suivante. Pour nous, Occidentaux, c’est d’abord sur le front du VRAI que nous avons été atteints. La philosophie occidentale a essentiellement renoncé aux profondeurs de l’ontologie et de la morale, pour se confiner aux pitreries des structuralistes. Pirouettes facétieuses sur les ambiguités des concepts d’abord, puis sur celles des termes eux-mêmes, jusquà ce que soit conciliable tout et son contraire.

Ainsi s’établit une brèche dans la cohérence, permettant que la vérité s’établisse par consensus… puis par décision du pouvoir. Quand nous nous avons renoncé à l’exigence du VRAI – toute vérité annoncée ne demeurant structurante que dans le cadre déterminé par l’autorité et pour la durée prévisible de la mémoire qu’on en gardera – la dérive est devenue exponentielle.

Il y a quelques semaines, je disais sur ce site que je faisais mon deuil d’obtenir des médias, incluant les médias citoyens, une vue le moindrement objective des événements. Aujourd’hui, TOUT est filtré ou dénaturé de façon à projeter l’image de la réalité que souhaite le Système… et nulle autre. Pour tricher, plus besoin de raturer et biffer « à la 1984 » ; on écrit simplement « par dessus », en palimpseste… On sait que les gens auront vite oublié les milles versions qu’aura remplacées la mille-et-unième.

La construction d’une pseudo réalité sur mesure pour les fins du pouvoir est désormais tenue pour acquise. Les articles d’information reprennent inlassablement la même irréalité, avec de subtiles retouches qui la rapprochent lentement de celle qu’on veut définitive…. pour un temps. Les « bonnes » contributions des internautes sont introduites dans le topo général des auteurs à gages, pour soutenir la thèse voulue et produire une effet de renforcement… ou un désaccord mou factice qui rendra le tout plus crédible.

Il n’y a donc plus dans la presse « des mensonges », mais une seule et unique fable de l’actualité, dont l’intrigue globale, sans queue ni tête, ressemble à celle d’Alice au pays des merveille… Il n’y a plus de vérité. Bachar-el-Assad, par exemple, peut rester un « méchant », même si ses ennemis le sont devenus aussi en surimposition. Soyez attentifs aux demi-teintes… L’Histoire peut s’écrire en camaïeu, en mal-sur-mal et en mal-sur-pire.

Une civilisation fait un pas de géant vers la perte de sens, quand la vérité ne se déduit plus des faits mais découle de droit d’un consensus démocratique. La Syrie est emblématique, mais idem pour l’Ukraine, ISIS, le Front National, l’Écosse, Ébola, qui sont autant des romans feuilletons distincts qui se déroulent selon leurs scénarios bien rodés qui ne s’enchevêtrent pas… mais qui illustrent une même morale.

Une MORALE. Car, ne nous y trompons pas, c’est de çà qu’il s’agit. On se fourvoie si on croit que le triomphe du libéralisme est celui d’une famille ethnique ou d’une classe sociale. Capitalisme et l’Empire Anglo Saxon, son vecteur, ne sont que les CONSÉQUENCEs, d’un choix CULTUREL qu’a fait l’Occident.

Un choix culturel qui lui a fait sacrifier le VRAI, mais aussi le BIEN. Car en parallèle au verbiage prétentieux des structuralistes et autres ersatz de philosophes, on constate qu’un consensus s’est établi dans notre société pour donner un seul but à notre civilisation :l’ACQUISITION. Il s’y est ainsi mis en place une supra morale de l’enrichissement qui justifie tout.

Ce qui enrichit peut être inopportun, voire indélicat, mais n’est jamais intrinsèquement « mauvais ». La croissance est BONNE, la richesse est bonne. En dire du mal cache toujours est un clin d’œil aux copains par dessus la tête des jocrisses. Dites ‘Kyoto’, mais en faisant les plans du prochain barrage… Un pays, c’est son PNB ; son succès tangible, l’évolution de son revenu par tête. Pinochet a sauvé le Chili. Sans Castro, Cuba aurait le niveau et le style de vie du Bronx. Si on ne respirait que les jours pairs, Shanghai pourrait accueillir 30 millions de voitures…. La logique d’un choix.

Nous avons fait un mauvais choix. La révolution industrielle a rendu l’enrichissement matériel si facile, que nul autre projet de développement n’a plus semblé avoir la moindre chance de rivaliser avec celui-ci pour la faveur populaire…. Toutes les structures d’autorité comme de pouvoir ont donc convergé dans la facilité et c’est cette culture de acquisition qui s’est imposée.

Nous avons ainsi fait le choix culturel pervers de NE PAS évoluer hors du paradigme darwinien strict, totalement conflictuel qui met la force au-dessus de tout, vers un modèle de coopération qui aurait pourtant dû le remplacer NATURELLENT. Naturellement, car quand les valeurs humaines apparaissent en société, c’est à leur heure … et elles sont dès lors tout aussi naturelles et incontournables que les lois de la physique !

Quand l’évolution atteint le seuil où la fusion devient plus porteuse que l’assimilation, la coopération tend à s’imposer. La reproduction bi-sexuelle n’en est-elle pas l’incontournable exemple ?

Traiter tout ce qui est « humanité » comme un épiphénomène, dans les cadres d’une évolution dont les principes de base demeureraient inchangés, relève de la foi du charbonnier… en Dieu seul sait quoi ! J  ! En société, – (en fait, dès qu’il y grégarité ou même une rudimentaire interdépendance) – n’est-il pas évident que « le mieux adapté », le « survivant », cesse d’être le plus fort et le plus agressif, ce dernier étant alors remplacé par le gagnant aux jeux de la symbiose, de la gestalt et de l’association ?

Dans le contexte d’une croissante interdépendance comme moteur d’évolution, donnerl’acquisition comme but final à une société, c’est évidemment lui enlever toute signifiance, car c’est limiter à un progrès quantitatif ce qui ne peut être essentiellement qu’un achèvement qualitatif culminant en une mutation qui lui donne son sens. Une civilisation qui se donne pour but ultime d’acquérir est mort-née.

Elle ne peut aboutir qu’a une consommation effrénée de biens – que seuls les plus sots pourront quelque temps identifier à une démarche hédoniste per se… – ou à leur thésaurisation, laquelle deviendra alors inévitablement symbolique, en rendant la matérialité triviale et la poursuite insensée.

Morte pour elle et pour les siens, car « acquérir », comme but, a le démérite, pour les individus comme pour celle-ci, de créer un jeu à somme nulle qui est l’antithèse de l’accent sur la collaboration qui devrait être le but du «  être plus ensemble  » que signifie une société… et la vie même de l’individu.

La fixation de la civilisation occidentale sur cette voie sans issue de l’accumulation avait pourtant une claire alternative. Pour l’animal clanique, dont l’évolution allait dépendre de son interdépendance consentie, « aimez-vous les uns les autres » n’était pas qu’un pieu conseil : C’ÉTAIT LA PREMIERE CONDITION DE SURVIE ! Or, confrontée à cette exigence, la civilisation occidentale, n’a eu plutôt de cesse qu’elle n’ait installée partout la zizanie et la querelle comme base de toute relation !

Perdant son sens par le renoncement au VRAI, la civilisation occidentale, obnubilée par le désir d’acquérir, a poursuivi en créant un grande confusion sur la notion de BIEN. Confusion nulle part aussi évidente que dans l’acceptation tranquille de la corruption comme SEULE stratégie politique universelle. Aujourd’hui, l’idée qu’un homme politique, quel qu’il soit, pourrait agir autrement qu’au mieux de ses intérêts personnels ne fait-elle pas sourire…. ?

Tragique, surtout dans dans le mode de gouvernance par démocratie représentative qui prévaut aujourd’hui, car on ne peut imaginer une fracture plus radicale avec la moralité traditionnelle, que toute cette pyramide décisionnelle de la société, les trois (3) pouvoir confondus – dont on voit bien qu’elle ne repose plus désormais de facto, sur des lois, mais sur un équilibre entre intérêts divers dont on veut penser dans un acte de foi , mais sans trop y penser, que la résultante tend vers ce qu’on considère la justice.

Plus grave, le BIEN sous sa forme de partage est devenu une maladie honteuse dont il faut parler à voix basse. Ainsi, même si c’est le problème prioritaire à régler et que ce débat est aussi présent dans la conscience populaire que le sexe dans l’imagination d’un adolescent, la répartition actuelle de la richesse, qui est le résultat cumulatif de brigandages et de marchés inégaux successifs depuis toujours, un partage qu’aucune éthique naturelle ne pourrait justifier, ne peut être être remise en question …. Et on ne doit jamais en dire un mot. Même si on se dit, Socialiste, Communiste, même si on se dit Mélenchon…

La réalité, c’est que nous avons une nouvelle ethique : est bien ce qui enrichit. Ce qui enrichit l’Individu et la Société est au-delà du bien et du mal. L’insignifiance de notre société est indissociable du vaste consensus pour le déni de l’injustice, obtenu par un lavage de cerveau qui confine à l’hypnose. Liberté, démocratie, libre entreprise, individualisme, produire plus. Consommer davantage….

Comprend-on à quel point cette volonté de se réaliser par l’Avoir’ est absurde ? La notion absolument nauséeuse que le bien est d’avoir plus, même de ce dont on n’a nul besoin ni désir, même au détriment fatal de celui qu’on prive du nécessaire est l’antithèse tellement caricaturale du message christique, qu’on ne peut écarter l’hypothèse que ce ne soit voulu et que le néolibéralisme ne soit une prise de position RELIGIEUSE ! Comment interpréter autrement le refus obstiné, qui semble socialement suicidaire, de toute fusion, de toute collaboration ? Cette affirmation constamment martelée du choix de NE PAS AIMER. ?

Notre civilisation ne meurt pas parce que quelques fous fanatiques décollent quelques innocents, mais parce que des millions de fous qui se croient innocents ont jugé cette semaine, que la vie vaudrait mieux d’être vécue s’ils pouvaient ajouter quelques centimètres carrés à l’écran de leur portable. Ils ont choisi de se réaliser par plus de consommation, plutôt que par une volonté de s’aimer plus les uns les autres…. Ils sont les nigauds assassins, complices de la mort de l’Occident.

Car ce n’est pas un Islamiste ni un Chinois qui en finira avec la culture de l’Occident ; c’est le « Méprisable Insignifiant » en chacun de nous qui aura raison de nous tous, si on permet que le seul sens de la vie pour chacun soit d’écraser son voisin…

Rien ne semble pouvoir contrer cette course vers la mort par insignifiance de notre société qui s’épuise à compter et ne pense plus à rien d’autre. Pourtant cette domination est infiniment fragile. Comme l’emprise de l’hypnose, dont le charme peut être brisé d’un clic… Car tout le pouvoir du Système repose sur la fringale de consommer dans l’esprit du manipulé. Toute la civilisation occidentale pivote autour ce cet axe de consommation.

Il suffit que VOUS cessiez de consommer ce qu’on vous dit de consommer et choisissiez de ne plus acquérir que selon vos vrais besoins, pour que le Système fasèye et s’effondre. Ne consommer que ce dont on a besoin. Simplicité volontaire.

NE PAS consommer l’inutile est le plus révolutionnaIre des gestes, car vous affirmez ainsi votre indépendance de toutes les pressions que les désirs qu’on vous a créés vous imposent. Votre affranchissement de l’Insignifiant en vous qui est votre véritable ennemi et celui du genre humain.

Pierre JC Allard

7 commentaires »

  1. Illisible sans paragraphes. Navré.

    Commentaire par Anonyme — 12-10-14 @ 7:01

  2. Il se deprogramme tout seul,encore et encore … Probleme technique… ou sabotage ? Je vous invite a le lire corrctemnet formaté sur Agoravox:

    http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-mort-par-insignifiance-157327 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-mort-par-insignifiance-157327

    PJCA

    Commentaire par Pierre JC Allard — 12-10-14 @ 3:56

  3. Bonjour Monsieur Allard,

    L’homme est devenu l’esclave de sa propre création….Seule la Vérité peut nous sortir de la gadoue et/ou de la maladie mais comment (ré)concilier l’inconciliable?
    Dans un autre de vos textes vous disiez en effet : (…)Cette réduction des services entraîne, en plus d’une baisse de la qualité de la vie, la morosité, le pessimisme, la rupture de la solidarité sociale, le laxisme professionnel, le refus du risque, menant chacun à un repli vers soi et poussant la société au choix de la décroissance. Un choix FATAL, puisque l’économie, devenue très largement virtuelle, n’a d’autre équilibre qu’en mouvement, s’appuyant sur sa propre croissance (..).

    Commentaire par Lacasse — 28-10-14 @ 4:50

  4. Tout a fait. La décroissance est bien le choix fatal pour la sociséteée que nous avons. Cette réalité n’a pas changé. Ce qui s’et rdicalement transformé depuis une génération, c’est notre désir que cette société survive. et grandisse.. Elle a épuisé son sens et DOIT mourir, être remplcée par ce qui en sera pratiquement l’antithse: unesociété basée sur la collaboration, la satiété. et des valeurs plus qualitatives « spitrituelles » que matérielles.

    PJCA

    Commentaire par pierrejcallard — 28-10-14 @ 10:21

  5. « Une société basée sur la collaboration, la satiété. et des valeurs plus qualitatives « spitrituelles » que matérielles ». Un peu à l’image des indiens et des peuples premiers – qui paradoxalement alors qu’ils devraient nous inspirer sont pourchassés plus que jamais ….Un autre paradoxe est que là où la société a épuisé son sens c’est justemment là où la surconsommation à outrance depuis des années a fini par dégoûter, mais là où elle vient de s’installer la soif est encore grande de consommer….

    Commentaire par Lacasse — 28-10-14 @ 3:49

  6. A moins que ces changements ne soient pas « générés » mais le simple résultat du fait que nous passons progressivement d’un monde américain (politique du « muscle) à ….un monde chinois. La crise ukrainienne ne faisant qu’accélérer la mutation en fracturant Russie et Europe (qui perd en partie la main) et l’Europe reste engluée dans ses problèmes internes ou d’arrière garde (grand traité transatlantique) un peu à l’image de
    celui à qui l’on montre la lune et qui regarde le doigt ….

    Commentaire par Lacasse — 10-12-14 @ 5:23

  7. JUBILONS DONC !! https://www.youtube.com/watch?v=ksg2nTNKznY&feature=share

    Commentaire par Milou — 28-10-15 @ 2:20


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