Nouvelle Societe

10-03-08

019. Un AMI qui vous veut du bien

Filed under: Auteur — pierrejcallard @ 10:46

Si vous suivez un peu l’actualité et les commentaires des auteurs de sites sur le Web, vous savez déjà qu’il y a une levée de boucliers contre le MAI – AMI en français. L’AMI est un accord multilatéral sur les investissements concocté avec discrétion depuis déjà longtemps à l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OECD) et dont on prévoyait la signature en avril prochain.

Le problème des levées de boucliers, c’est que dans le fracas de la bataille on oublie vite de quoi il retourne et pourquoi l’on se bat. Un mot d’explication, donc, sur l’AMI, ses motifs et ses conséquences.

Présentement, chaque pays du monde a ses propres politiques concernant les investissements et, en particulier, les investissements faits sur son territoire par des étrangers. Ainsi, les États-Unis sont réticents – c’est un euphémisme – concernant les investissements étrangers dans tous les domaines qui touchent la défense nationale. Beaucoup de pays restreignent les investissements étrangers dans les secteurs d’exploitation de leurs ressources naturelles, et la majorité des pays ne permettent pas que les étrangers puissent soumissionner sur un pied d’égalité avec les nationaux pour l’obtention de contrats gouvernementaux.

Ce que veut l’AMI, c’est que tous les financiers du monde puissent être traités de la même façon quand ils investissent où que ce soit, qu’ils soient citoyens du pays ou étrangers. Concrètement, ça veut dire que Bell Canada, ALCAN – ou Petro-Canada et Hydro-Québec privatisées pour l’occasion – peuvent devenir la propriété d’Américains ou de Japonais sans que l’État canadien ou québécois puisse y mettre de contraintes. Et ce qui est vrai pour le Canada est vrai pour la France, la Russie, l’Allemagne. Mercedes peut devenir chinoise, Michelin koweitienne….

A plus forte raison, TOUTES les entreprises rentables des pays du tiers-monde peuvent devenir ainsi rapidement la propriété de capitaux des pays développés. On s’assure que les riches resteront toujours riches et que les pauvres resteront pauvres. Évidemment, il y en a qui protestent. Tellement, qu’on se prépare a reporter l’échéance de l’AMI. Il semble que le sacre du capitalisme global triomphant ne sera pas célébré en avril…

Bon… et alors? Est-ce qu’on doit pavoiser? Est-ce qu’on s’imagine qu’en l’absence de cet accord le capitalisme global est tenu en laisse? Croit-on que les États souverains démocratiques assurent maintenant le développement harmonieux de la planète? La vérité, c’est que le capitalisme triomphant fait déjà de façon détournée tout ce que l’AMI lui aurait permis de faire directement. Les grandes multinationales sont déjà aux mains de capitaux apatrides dont on ne connaît plus les vrais propriétaires, et les acquisitions d’entreprises nationales rentables dans chaque pays sont faites selon toutes les règles: par des entreprises nationales qui appartiennent à d’autres entreprises nationales… dont les actionnaires sont domiciliés au Luxembourg, au Liechtenstein, à Grand-Cayman…

Mercedes n’est probablement pas chinoise; son actionnariat réel, toutefois, n’est sans doute pas plus allemand qu’Unilever est hollandaise ou Nestlé suisse… ses actionnaires, quels que soient leur(s) passeport(s), n’ont qu’une patrie: le capitalisme global. Et ce qui n’est pas acheté est contrôlé. Il n’y a pas une seule entreprise du tiers-monde qui ne soit pas déjà à la merci d’une multinationale, soit qu’elle en dépende pour ses fournitures, pour son expertise, pour ses brevets d’exploitation, pour la distribution de ses produits. L’AMI rendrait les choses plus claires et plus simples, mais pas différentes

Le contrôle de la planète par l’économique au détriment du politique – et donc la réduction de la démocratie à un spectacle pour les naïfs – est déjà un fait accompli. L’AMI n’arrivera pas tambours battant en avril… Victoire ! Mais les multinationales ont déjà pris possession de la maison sans qu’on ne dise mot. Je me méfie des pseudo-victoires ostentatoires qui résultent de levées de boucliers tardives.

Je m’en méfie, parce qu’à nous faire croire que nous avons réussi a empêcher une invasion, on réussit trop bien à nous faire oublier que nous sommes déjà en pays conquis. L’AMI reviendra plus tard, sous un autre nom… ou peut-être qu’on ne se donnera pas la peine de le faire. La réalité n’en sera pas changée. Il ne s’agit plus de protéger la liberté et la démocratie: elles sont mortes. Le défi, c’est de les ressusciter

Pierre JC Allard

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