Après Mai 68, quand le Général de Gaulle eu maté la France en révolte sans violence – en lui laissant jeter sa gourme puis s’assoupir après le plaisir – il réfléchit, comme toujours, au lendemain… et au surlendemain. Cette aptitude à lire l’avenir, comme si le manuscrit lui en avait été remis la veille, lui a permis de sauver la France à maintes reprises. Il faudrait des volumes pour en discuter, mais le départ de Francois Legault me rappelle un de ces gambits gagnants du Général.
De Gaulle, après Mai « 68, a limogé son Premier Ministre Pompidou alors que tout – loyauté, compétence, relations – suggérait qu’il lui renouvelât sa confiance. Pourquoi l’a-t-il fait ? Beaucoup ont dit à l’époque qu’il le jetait en pâture aux fauves, pour que les résultats dérisoires de cette spectaculaire insubordination à laquelle ils s’étaient livrés ne leur crée pas de rancœur. Mais ce n’était pas ça. Il mettait simplement sont atout-maitre « en réserve de la République ».
Il l’a dit exactement en ces mots d’ailleurs… mais ils ne l’ont pas cru. Ce n’est que quand Pompidou a succédé à de Gaulle à la Présidence de la République qu’ils ont compris que le Général avait mis sagement son dauphin à l’abri des luttes fratricides et des coups fourrés, durant cette période ou il fallait raccommoder pour faire du neuf sans que le tissu social ne se déchire. C’est une tunique bien proprette que l’Auvergnat a finalement endossée ..
François Legault m’apparaît aujourd’hui une tête au-dessus de tous les autres dans l’arène politique provinciale : il n’y a personne pour lui barrer la route. Pourtant, il se retire… et, dans la conjoncture actuelle, je crois qu’il a raison.
Le problème n’est pas Jean Charest ni le Parti Libéral. Charest est là et sa popularité a même augmenté, mais je n’y vois que le soutien par défaut de ceux qui refusent l’alternative péquiste. Le Parti Libéral ennuie et il sera battu dès qu’il y aura une autre option crédible.
Ce n’est pas non plus sa position minoritaire au sein du PQ qui est l’obstacle à la montée de Legault. Madame Marois suscite si peu d’enthousiasme, surtout après l’échec cinglant dans Rivière-du-loup, qu’un putsch dans la tradition péquiste pourrait la déloger rapidement. Duceppe ? Il y a bien longtemps qu’on le voit. Il n’a plus cette nouveauté « Jument verte » qui, dans un monde d’Internet, fait élire en triomphe des Obamas, parce que c’est leur ascension même qui séduit.
Si quelqu’un barrait la route à Legault au sein du PQ, il pourrait sans doute écarter cet obstacle. Mais il n’a pas intérêt à le faire, car le problème, c’est qu’il n’y a simplement plus d’avenir pour le Parti Québécois. L’idée de l’indépendance est minoritaire et le restera pour l’avenir prévisible. Le PQ perdra d’autant plus sûrement les élections qu’il mettra de l’avant son option indépendantiste… et se désintégrera d’autant plus vite qu’il la mettra sous le boisseau.
Le problème, pour François Legault, c’est qu’il n’y a pas de structure partisane sur laquelle il pourrait s’appuyer pour accéder au pouvoir. Plus rien de passionnant à l’ADQ, rien de crédible à QS ni chez les Verts.
De la France à la mort de De Gaulle, Pompidou avait dit qu’elle était « veuve ». On ne peut même pas dire des Québécois qu’ils sont orphelins, car ceux qui pourraient leur servir de pères spirituels ne sont pas morts… ils sont à la retraite. Les Québécois sont, en politique, comme ces enfants des rues de Mumbai/Bombay dans ce film qu’on vient d’« oscariser ».
Dans ce contexte, il est probable que le PQ se scindera bientôt entre une gauche – qui rejoindra QS et pourra parler d’autant plus aisément d’indépendance qu’elle ne sera pas une option réaliste de gouvernance – et une droite qui absorbera l’ADQ, substituera la notion de souveraineté/autonomie à celle d’indépendance et, libérée de ce boulet, redeviendra le parti de l’alternance.
Il est bon que Francois Legault ne vive pas ces déchirements. Le temps passant, il ne peut que grandir en stature, comme Pompidou. Comme Robert Bourrassa durant ses années d’exil/pèlerinage. Il devient « en réserve » de quoi que ce soit qui se créera au Québec pour faire face à la crise et, surtout, pour proposer un projet de société motivant et RASSEMBLEUR qui nous sortira de l’insignifiance.
Pierre JC Allard