Pendant qu’aux USA on met peu à peu les pendules à l’heure, que les presque-riches se résignent à ce que l’argent ne vale plus rien, que la grippe ci-devant mexicaine a pris un numéro comme un compte en banque suisse et qu’on l’oubliera sans avoir jamais su ce qu’elle contenait…, que se passe-t-il dans les marches septentrionales de l’Empire ? Au Canada, le peuple en liesse attend que son nouveau proconsul désigné monte les marches du trône.
Ignatieff vient d’être plébiscité à Vancouver. 97% d’appuis à sa nomination sans opposition à la tête du Parti Libéral. Evidemment, on est dans le microcosme d’une convention du dit Parti Lbéral, un milieu bien sympathique, mais ça nous change tout de même des exercices similaires du Parti Conservateur qui sont la plupart du temps férocement disputés.
Pourquoi cette différence ? Parce que le Parti Conservateur au pouvoir, c’est l’intermède Tory qu’on accorde pendant qu’on réaménage la maison des Whigs. Ce n’est pas très sérieux et ça ne dure pas. Les fonctionnaires prennent charge le temps que les choses redeviennent normales. On se bât donc âprement pour devenir chef du Parti Conservateur, car c’est un accomplissement auquel ne s’ajoute que bien rarement le plaisir d’aller plus loin. C’est une fin en soi. Un succès personnel.
Devenir chef du Parti libéral, au contraire, n’est qu’une étape dans une marche triomphale vers le pouvoir. Le Parti Libéral est, au Canada, de droit divin, le parti de gouvernance. Son chef s’attend raisonnablement à conduire ce pays; sous la tutelle de Washington, bien sûr, mais en ayant tout de même des décisions à prendre. Il doit bâtir une équipe pour une décennie, peut-être plus. Il a besoin des autres et les autres auront besoin de lui. C’est le Parti qui sera au pouvoir et il y en aura pour tout le monde. Donc politesse, consensus, unanimité…
Le Parti Libéral n’attend que le moment propice pour revenir au pouvoir. Simple formalité. S’il n’y est pas revenu plus tôt, c’est qu’il aurait été ennuyeux de devoir suivre les directives d’un administration Bush en fin de règne. Erratique, discréditée, destinée de toute évidence à être le bouc émissaire pour l’histoire de toutes les imperfections de la politique USA depuis 50 ans. Mieux valait laisser les Conservateurs se compromettre avec ces gens…
Maintenant, à Washington, on repart à neuf. On tourne la page. On s’est donné une nouvelle image : O B A M A ! L’Establishment va mettre en place une nouvelle forme de gouvernance. Bienveillante. Ouverte au changement. Les grands n’exploiteront pas moins les petits, mais ce sera fait avec plus de délicatesse, dès qu’on aura réglé – aussi brutalement qu’il le faudra – les dossiers hérités d’avant
Une urbanité « Ivy League » va remplacer à Washington la grossièreté ostentatoire d’éleveur de bétail texan privilégiée par les Bushistes. Souvenez-vous du film de Michael Moore : Wolfowitz crachant sur son peigne pour se coiffer… Il n’y aura pas de rustauds dans l’équipe Obama. Du moins pas longtemps. Ils feront le sale travail à faire, puis seront expulsés.
La nouvelle image Obama et le nouveau style de Washington vont se refléter sur les provinces de l’Empire. Il faut au Canada un nouveau proconsul, plus acceptable à la Maison Blanche que notre Albertain de transition. Le Parti Libéral l’a compris. Peut-être tout seul et peut-être parce qu’on le lui a dit, mais l’important est qu’il l’ait compris. Ils sont tous avec lui.
Ignatieff, issu lui aussi d’Harvard, comme César lui-même, a reçu la couronne de laurier. Ils sont tous avec lui et les sondages aussi. Les Libéraux gagneront les prochaines élections en Nouvelle-Écosse, puis attendront le signal pour mettre en marche le cortège triomphal vers Ottawa.
Ave, Proconsul Ignatieff. Mais souvenons nous qu’il ne fera rien que Cesar Obama n’aura d’abord approuvé.
Pierre JC Allard