Qui ne connaît pas Louise Harel ? Une tradition, un monument, une de la première heure. Elle a occupé toute une brochette de fonctions au Parti Québécois, dont celle de Chef par intérim du parti, entre Landry et Boisclair. Elle est une de ceux et celles qui ont eu le courage de leurs convictions et se sont désolidarisés de René Lévesque, quand celui-ci a penché plus vers l’association que la souveraineté en novembre 84. Si l’expression « plus catholique que le pape a un sens », elle ne peut mieux s’appliquer qu’à Louise Harel dans sa foi souverainiste.
Je l’ai rencontrée à quelques reprises. Une personne d’un commerce bien agréable, mais sans complaisance dans ses convictions. Je n’ai que du bien à dire de Louise Harel. Elle a gardé pendant 27 ans la confiance de ses commettants et a été – entre autres – Ministre des Affaires municipales et de la Metropole, connaissant donc la problématique de Montréal aussi bien que quiconque. Si quelqu’un a le profil du candidat sur mesure à la mairie de Montral, c’est bien elle.
Simultanément, l’administration Tremblay a pris des airs de catastrophe et les soupçons de corruption se sont accumulés dont personne n’accuse formellement le maire en poste d’être coupable, mais dont bien peu ne croient pas qu’il ne soit responsable, ne serait ce que par une inacceptable naïveté. Le lit de Madame Harel est donc bien fait. Si bien fait, que le chef de l’opposition, Benoit Labonté, lui cède la place sans discussions. Comment pourrait-elle ne pas être triomphalement élue en novembre ?
Il est bien possible qu’elle ne le soit pas, pourtant, car il est loin d’être assuré que cette élection portera sur la compétence des candidats ou leurs promesses respectives. Il est au contraire presque certain qu’elle opposera deux visions déjà bien campées de ce que doit être Montreal… et aussi des loyautés tribales.
D’une part la vision d’une métropole intégrée, conforme au projet de fusion qu’avait justement piloté Madame Harel et qui avait été mené à bon port en 2002, s’opposant à une vision autonomiste, « confédérale » de la gestion de la conurbation montréalaise. C’est cette vision autonomistes qui a eu le dernier mot, pourtant, suite aux réferendums organisés par le gouvernement Charest en 2004 et qui a permis a 31 villes participantes de reprendre une large part de leur autonomie.
D’autre part, des loyautés tribales. Ce sont les municipalités anglophones qui ont voulu prendre leur distance d’un Grand Montréal encore francophone et qui ont obtenu leur autonomie en 2004, par la grâce du gouvernement Charest, lequel leur devait bien cette récompense pour leur indéfectible soutien au parti libéral. On ne votera pas pour Louise Harel dans ces bastions anglophones.
Pas de surprise dans ce clivage, mais il faut être conscient que les enjeux pour le bien de Montreal ne joueront pas le premier rôle dans les décisions de vote qui seront prises en novembre. La plupart des électeurs y arriveront avec des préjugés solides, totalement imperméables à toute remise en question.
La réalité, c’est qu’on votera pour ou contre une centralisation accrue et que les opposants à la centralisation seront surtout les anglophones. Qui gagnera cette lutte dépendra du talent de chaque parti et des moyens dont ils disposeront l’un et l’autre pour motiver et mobiliser leurs troupes.
Je ne sais pas qui aura l’avantage, mais je suis absolument certain que le candidat qui l’emportera aura gagné pour de bien mauvaises raisons et qu’il en sortira une communauté montréalaise plus divisée que jamais. Je ne vois pas l’intérêt pour Montréal de devenir une simple volet du dossier national et pour un temps le champ de bataille de ceux qui s’affrontent dans ce dossier.
La compétence accrue que pourrait apporter Louise Harel à la gestion de la metropole justifie-t-elle cet antagonisme qu’on va raviver ? Je ne me prononce pas aujourd’hui sur cette question, mais à chacun d’en juger.
Pierre JC Allard