Nouvelle Societe

04-07-09

275 Ombelix au pays des Chimères

À la fin du XXème siècle, l’Amérique au nord du Rio Grande est tout entière soumise à l’hégémonie anglo-saxonne, à l’exception, au Nord-est, d’une vaste taïga, peuplée de caribous, d’autochtones, d’une myriade de métèques et de deux peuples fondateurs, dont “nous-z’autres” qui ne nous en tirerions pas mal si nous n’avions pas à porter continuellement sur le pavois deux clans d’ irrépressibles totons, les Peurdurix et les Ombelix.

Les Peurdurix se sentent tout petits. Ils peuvent avoir le cheveu plat à la Bourassa ou bouclé à la Charest, ils peuvent être riches – style “Conseil du Patronat” – ou misérabilistes genre “ma pension de vieillesse et rien d’autre”, mais leur caractéristique essentielle est d’avoir peur. Le plus grand nombre d’entre eux ont surtout peur que l’indépendance leur tombe sur la tête, mais il y a aussi des Peurdurix dont la seule phobie est l’inflation et une minorité non négligeable d’entre eux qui ont peur de parler anglais. Leurs pères ont voté “non” à la conscription puis se sont enrôlés volontaires, ont été pour les curés sous Duplessis… puis pour la révolution pour autant qu’elle soit “tranquille”.

Le mot d’ordre des Peurdurix est de passer le risque, la responsabilité et le blâme éventuel aux autres, parce qu’ils ont surtout peur d’eux-mêmes. La majorité d’entre eux sont fédéralistes parce que c’est rassurant, mais il y en a beaucoup au contraire qui sont souverainistes – mais avec association, bien sûr et en souhaitant au fond que ça n’arrrive pas – parce qu’ils ont encore plus besoin d’avoir Ottawa comme bouc émissaire que comme parapluie. Les Peurdurix sont férocement opposés au changement parce que le changement est un risque et qu’ils se sentent trop petits pour courir des risques.

Les Ombelix sont très gros. Ou plutôt, regardant sans cesse leur nombril, ils se voient très gros. Ils sont nés d’une race fière, ils savent que nous avons une culture alors que les anglos sont des Béotiens et que Toronto est une ville ennuyeuse où les bars ferment le dimanche. Riches ou pauvres ils sont convaincus que la Gaspésie est mieux que la Côte-d’Azur, que notre train de vie est bien supérieur à celui des Européens, comme en 1945, que Montréal est la “deuxième ville française du monde” et que le “modèle québécois” est un succès boeuf qui ne doit rien aux modèles scandinaves des années soixante.

Les Ombelix ont l’identification facile. ils sont fiers des succès de Plamondon en France, de Celine Dion aux Etats-Unis et du Cirque du Soleil partout, comme s’il s’agissait là de produits du terroir. La plupart se disent sociaux-démocrates, mais ils sont fiers de Bombardier, de Desmarais et de Québec Inc. La plupart, sont pour l’indépendance, mais on ne manque pas d’Ombelix fédéralistes qui sont bien fiers aussi que l’Unesco dise du Canada que c’est le meilleur pays du monde. Les Ombelix sont férocement opposés au changement parce qu’ils sont gras, qu’ils se croient gros et qu’ils veulent le rester.

De telle sorte que nos Peurdurix – dont la “sage prudence” n’est qu’une profonde lâcheté – et nos Ombelix – dont la complaisante “fierté” repose trop souvent sur une ignorance crasse – constituent, depuis des lustres, une alliance solide contre tout ce qui pourrait être un véritable changement. Au Québec, comme des choeurs de tragédies antiques , on peut toujours s’attendre à ce qu’un “Ne changeons pas, nous sommes parfaits!” vienne donner la réplique à un ” Ne changeons pas, c’est dangereux!” .

Quand on écoute les Peurdurix et les Ombelix et que’on regarde leur gesticulation, on ne voit plus la réalité et on perd le sens même du drame. Les Peurdurix et les Ombelix sont des livreurs de chimères, aussi inutiles que des ménhirs et qui pèsent très lourd sur l’avenir d’un peuple.

Car pendant qu’on rêve, le tiers des Gaspésiens n’ont pas de travail, notre niveau de vie est inférieur à celui d’une bonne demi-douzaine de pays d’Europe et il y a pas mal plus de francophones à Kinshasa ou à Casablanca qu’à Montréal. Est-ce qu’il ne serait pas temps de comprendre que nos deux grands ennemis sont la peur et l’arrogance, les deux se prêtant main forte, depuis des décennies, pour nous priver du courage qui nous permettrait de poser le diagnostic de nos problèmes et d’y apporter de vraies solutions?

J’écoute depuis des mois ce qu’il faut bien appeler le babillage de nos leaders politiques, Charest, Marois, Harper, Ignatieff et même tous les autres auxquels nous avons habitué de donner le bénéfice du doute, parce que, n’ayant aucune chance d’avoir jamais le pouvoir on peut bien s’imaginer qu’ils feraient mieux, mais aucun n’apporte l’ombre d’un projet de société. Je vois des rangées de chimères, en enfilades et en cercles, parfois les unes supportant les autres comme des dolmens.

J’aimerais qu’on se sorte du duo Peurdurix – Ombelix et qu’on passe à autre chose. Je voudrais que, si on a peur, on ait au moins des raisons d’avoir peur et que si l’on est “fier” on nous dise précisément de quoi l’on est fier. Parce que je pense que la peur ça se domine et que la fierté ça doit rester discret. Je pense que le véritable avenir du Québec passe d’abord par une prise de conscience de ce que notre démographie, la géopolitique et le sens que semble se donner l’Histoire contemporaine feront inexorablement du Québec.

Notre avenir, il passe par l’acceptation de cette réalité et la décision de définir notre évolution en fonction d’elle. Sans peur et sans complaisance. Je crois que nous pouvons le faire. Je suis persuadé qu’il y une majorité de Québécois qui ne se pensent pas si petits qu’ils ne puissent survivre ni si gros qu’ils ne puissent encore grandir. Ils ne demanderaient pas mieux que de travailler simplement, sereinement à devenir “plus” et “mieux” que ce qu’ils sont réellement, comme un arbre qui grandit.

Il n’y a pas de honte à grandir. Est-ce que ceux qui nous gouvernent ne pourraient pas nous proposer un but et nous en montrer le chemin? Et nous offrir une bonne lampée de la potion magique que constitue un véritable projet ?

14-05-09

RÉFÉRENDUM… Autrement

J’ai reçu quelques courriels qui me reprochent gentiment de ne pas parler du Québec.  “Vous parlez de tout, sauf de ça…”   Une fois ça va, deux fois je prête sérieusement attention, trois fois, je ne discute plus: vous avez raison.  Le problème, c’est que, pour l’instant, il y a plutôt de tristes constats à faire que des solutions à proposer.   La  Caisse a perdu des dizaines de milliards de dollars, les projets FIER laissent soupçonner des indélicatesses, mais que peut-on y faire ?  Nous avons élu un gouvernement majoritaire et il fera bien ce qu’il voudra…

De toute façon, quelles sont nos solutions de rechange ?  Le Parti Québécois  ne défend plus son projet d’indépendance et les éditorialistes en sont à spéculer sur les ambitions à la chefferie de François Legault, même si l’on n’a à lui reprocher que de faire correctement son travail.   L’ADQ se cherche vraiment un chef, mais à l’interne, alors qu’il est clair que l’on n’y trouvera pas le super héros qui pourrait susciter la grande vague de fond populaire qui en ferait une alternative crédible.

Ni les Verts, ni Québec Solidaire ne sont non plus des options réalistes, de sorte que le prochain geste qui allait créer un peu d’animation semblait devoir être le départ  anticipé de Jean Charest vers la scène fédérale.  Ce départ, toutefois, semble maintenant bien improbable à court terme, avec l’arrivée d’Ignatieff dont on voit mal comment il pourrait ne pas gagner les prochaines élections à Ottawa.

Que peut-on faire d’utile au Québec qui pourrait nous distraire  de la crise actuelle qui va créer une profonde morosité  ?  Lisez les commentaires des lecteurs sur Le Devoir et La Presse. On est revenu à la sempiternelle question du référendum.  Je mets donc ici  de l’avant une proposition que j’ai déjà faite:  ne pas faire un referendum sur l’indépendance, mais sur le droit du Québec à la faire.  Ce qui est la souveraineté. 

La question ? Simple et claire :

« QUÉBÉCOIS D’ABORD, je donne au Gouvernement du Québec le mandat formel : a) de négocier avec le Gouvernement du Canada les termes d’une constitution qui instaurera un nouveau partage des pouvoirs, au sein d’une Confédération canadienne à laquelle le Québec appartiendra si elle est conforme à ses aspirations, et b) si telle négociation échoue, de procéder, à sa convenance, à la sécession du Québec du Canada, par une déclaration d’indépendance, unilatérale ou négociée selon qu’il le jugera opportun, à la seule condition de l’avoir clairement énoncé à son programme »

Un « OUI » à ce référendum ne signifierait PAS la sécession du Québec, mais signifierait que celle-ci peut être déclarée en tout temps par le Gouvernement du Québec…  Dans la situation ainsi créée, le Québec choisit les modalités de sa participation à une ensemble canadien, disposant même du droit de ne pas y appartenir. Il est donc souverain, puisque la souveraineté ne dépend pas des appartenances qu’on se choisit, mais du droit inaliénable de les choisir.

Si un parti propose la sécession, l’élection devient ipso facto référendaire.  Si une majorité de la population soutient les exigences dont un parti fait ses conditions de l’appartenance du Québec au Canada, elle saura que celui-ci ne se borne pas à instrumentaliser l’idée d’indépendance pour se faire élire… et ne plus en parler.  Il pourra la faire !

Si le gouvernement fédéral ne conteste pas la validité du mandat qui découle de ce référendum — et la contester serait un suicide politique pour le parti fédéral qui le ferait — il reconnaît de facto la souveraineté du Québec. Je crois que c’est cette reconnaissance de la souveraineté du Québec, sans obligation de quitter Canada, qui donnerait satisfaction à une majorité assez substantielle des Québécois pour qu’on puisse raccommoder la déchirure sociale qui persiste ici depuis le premier référendum et faire des choses ensemble.

Si je connais bien les Québécois, ils voteront OUI à ce référendum… puis s’empresseront d’élire un gouvernement qui négociera âprement pour le bien du Québec, mais tout en gardant un préjugé favorable au maintien de liens privilégiés avec le reste du Canada et en disant haut et fort qu’il y restera.

Pour normand qu’il soit, ce choix n’empêcherait pas que le Québec soit devenu souverain et ait dès lors dans sa poche la clef de l’indépendance.  S’il la voulait et quand il la voudrait.

 

Pierre JC Allard

05-05-09

Le proconsul

 

Pendant qu’aux USA on met peu à peu les pendules à l’heure, que les presque-riches se résignent à ce que l’argent ne vale plus rien, que la grippe ci-devant mexicaine a pris un numéro comme un compte en banque suisse et qu’on l’oubliera sans avoir jamais su ce qu’elle contenait…, que se passe-t-il dans les marches septentrionales de l’Empire ?    Au Canada, le peuple en liesse attend que son nouveau proconsul désigné monte les marches du trône.

Ignatieff vient d’être plébiscité à Vancouver.  97% d’appuis à sa nomination sans opposition à la tête du Parti Libéral. Evidemment, on est dans le microcosme d’une convention du dit Parti Lbéral, un milieu bien sympathique, mais ça nous change tout de même des exercices similaires du Parti Conservateur qui sont  la plupart du temps férocement disputés.

 Pourquoi cette différence ? Parce que le Parti Conservateur au pouvoir, c’est l’intermède Tory qu’on accorde pendant qu’on réaménage  la maison des Whigs. Ce n’est pas très sérieux et ça ne dure pas.  Les fonctionnaires prennent  charge le temps que les choses redeviennent normales. On se bât donc âprement pour devenir chef du Parti Conservateur, car c’est un accomplissement auquel ne s’ajoute que bien rarement le plaisir d’aller plus loin. C’est une fin en soi. Un succès personnel.

Devenir chef du Parti libéral, au contraire, n’est qu’une étape dans une marche triomphale vers le pouvoir. Le Parti Libéral est, au Canada, de droit divin, le parti de gouvernance.  Son chef s’attend raisonnablement à conduire ce pays;  sous la tutelle de Washington, bien sûr, mais en ayant tout de même des décisions à prendre.   Il doit bâtir une équipe pour une décennie, peut-être plus. Il a besoin des autres et les autres auront besoin de lui. C’est le Parti qui sera au pouvoir et il y en aura pour tout le monde.   Donc politesse, consensus, unanimité…

Le Parti Libéral n’attend que le moment propice pour revenir au pouvoir. Simple formalité.  S’il n’y est pas revenu plus tôt, c’est qu’il aurait été ennuyeux de devoir suivre les directives d’un administration Bush en fin de règne. Erratique, discréditée, destinée de toute évidence à être le bouc émissaire pour l’histoire de toutes les imperfections de la politique USA depuis 50 ans.  Mieux valait laisser les Conservateurs se compromettre avec ces gens…

 Maintenant,  à Washington, on repart à neuf.  On tourne la page. On s’est donné une nouvelle image : O B A M A ! L’Establishment  va mettre en place une nouvelle forme de gouvernance. Bienveillante. Ouverte au changement. Les grands n’exploiteront pas moins les petits, mais ce sera fait avec plus de délicatesse, dès qu’on aura réglé – aussi brutalement qu’il le faudra – les dossiers hérités d’avant

Une urbanité « Ivy League » va remplacer à Washington la grossièreté ostentatoire d’éleveur de bétail texan  privilégiée par les Bushistes.   Souvenez-vous du film  de Michael Moore : Wolfowitz crachant sur son peigne pour se coiffer… Il n’y aura pas de rustauds dans l’équipe Obama. Du moins pas longtemps. Ils feront le sale travail à faire, puis seront expulsés.

La nouvelle image Obama et le nouveau style de Washington  vont se refléter sur les provinces de l’Empire.  Il faut au Canada un nouveau proconsul, plus acceptable à la Maison Blanche que notre Albertain de transition.  Le Parti Libéral l’a compris. Peut-être tout seul et peut-être parce qu’on le lui a dit, mais l’important est qu’il l’ait compris. Ils sont tous avec lui.

Ignatieff,  issu lui aussi d’Harvard, comme  César lui-même, a reçu la couronne de laurier. Ils sont tous avec lui et les sondages aussi.  Les Libéraux gagneront les prochaines élections en Nouvelle-Écosse, puis attendront le signal pour mettre en marche le cortège triomphal vers Ottawa.

Ave, Proconsul Ignatieff.  Mais souvenons nous qu’il ne fera rien que Cesar Obama n’aura d’abord approuvé.

 

 Pierre JC Allard

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