J’ai reçu quelques courriels qui me reprochent gentiment de ne pas parler du Québec. “Vous parlez de tout, sauf de ça…” Une fois ça va, deux fois je prête sérieusement attention, trois fois, je ne discute plus: vous avez raison. Le problème, c’est que, pour l’instant, il y a plutôt de tristes constats à faire que des solutions à proposer. La Caisse a perdu des dizaines de milliards de dollars, les projets FIER laissent soupçonner des indélicatesses, mais que peut-on y faire ? Nous avons élu un gouvernement majoritaire et il fera bien ce qu’il voudra…
De toute façon, quelles sont nos solutions de rechange ? Le Parti Québécois ne défend plus son projet d’indépendance et les éditorialistes en sont à spéculer sur les ambitions à la chefferie de François Legault, même si l’on n’a à lui reprocher que de faire correctement son travail. L’ADQ se cherche vraiment un chef, mais à l’interne, alors qu’il est clair que l’on n’y trouvera pas le super héros qui pourrait susciter la grande vague de fond populaire qui en ferait une alternative crédible.
Ni les Verts, ni Québec Solidaire ne sont non plus des options réalistes, de sorte que le prochain geste qui allait créer un peu d’animation semblait devoir être le départ anticipé de Jean Charest vers la scène fédérale. Ce départ, toutefois, semble maintenant bien improbable à court terme, avec l’arrivée d’Ignatieff dont on voit mal comment il pourrait ne pas gagner les prochaines élections à Ottawa.
Que peut-on faire d’utile au Québec qui pourrait nous distraire de la crise actuelle qui va créer une profonde morosité ? Lisez les commentaires des lecteurs sur Le Devoir et La Presse. On est revenu à la sempiternelle question du référendum. Je mets donc ici de l’avant une proposition que j’ai déjà faite: ne pas faire un referendum sur l’indépendance, mais sur le droit du Québec à la faire. Ce qui est la souveraineté.
La question ? Simple et claire :
« QUÉBÉCOIS D’ABORD, je donne au Gouvernement du Québec le mandat formel : a) de négocier avec le Gouvernement du Canada les termes d’une constitution qui instaurera un nouveau partage des pouvoirs, au sein d’une Confédération canadienne à laquelle le Québec appartiendra si elle est conforme à ses aspirations, et b) si telle négociation échoue, de procéder, à sa convenance, à la sécession du Québec du Canada, par une déclaration d’indépendance, unilatérale ou négociée selon qu’il le jugera opportun, à la seule condition de l’avoir clairement énoncé à son programme »
Un « OUI » à ce référendum ne signifierait PAS la sécession du Québec, mais signifierait que celle-ci peut être déclarée en tout temps par le Gouvernement du Québec… Dans la situation ainsi créée, le Québec choisit les modalités de sa participation à une ensemble canadien, disposant même du droit de ne pas y appartenir. Il est donc souverain, puisque la souveraineté ne dépend pas des appartenances qu’on se choisit, mais du droit inaliénable de les choisir.
Si un parti propose la sécession, l’élection devient ipso facto référendaire. Si une majorité de la population soutient les exigences dont un parti fait ses conditions de l’appartenance du Québec au Canada, elle saura que celui-ci ne se borne pas à instrumentaliser l’idée d’indépendance pour se faire élire… et ne plus en parler. Il pourra la faire !
Si le gouvernement fédéral ne conteste pas la validité du mandat qui découle de ce référendum — et la contester serait un suicide politique pour le parti fédéral qui le ferait — il reconnaît de facto la souveraineté du Québec. Je crois que c’est cette reconnaissance de la souveraineté du Québec, sans obligation de quitter Canada, qui donnerait satisfaction à une majorité assez substantielle des Québécois pour qu’on puisse raccommoder la déchirure sociale qui persiste ici depuis le premier référendum et faire des choses ensemble.
Si je connais bien les Québécois, ils voteront OUI à ce référendum… puis s’empresseront d’élire un gouvernement qui négociera âprement pour le bien du Québec, mais tout en gardant un préjugé favorable au maintien de liens privilégiés avec le reste du Canada et en disant haut et fort qu’il y restera.
Pour normand qu’il soit, ce choix n’empêcherait pas que le Québec soit devenu souverain et ait dès lors dans sa poche la clef de l’indépendance. S’il la voulait et quand il la voudrait.
Pierre JC Allard