Nouvelle Societe

10-03-08

08 La planification

Filed under: Auteur — pierrejcallard @ 3:59

L’État abandonne sans regret le plus clair de la production à l’entreprise privée, mais se réserve néanmoins quelques chasses gardées, des activités qui sont des éléments de sa fonction de gérance, mais qui collent de si près à sa fonction de gouvernance qu’il ne tient pas à s’en départir. Au premier chef, on peut mettre toutes les tâches de « planification » au sens large.

C’est l’État qui détermine le but et les objectifs fondamentaux de la société. Il est le gouvernail. Selon la façon dont la gouvernance s’exerce, but et objectifs naissent dans l’esprit du leader, sont établis en collégialité par une majorité effective restreinte, ou font l’objet de consultations populaires, quand la majorité numérique est traitée comme la majorité effective, ce qui est l’hypothèse de départ de la démocratie.

Le but est généralement un principe assez vague pour qu’il ne soit jamais discuté, mais simplement posé comme un axiome de départ. Inaccessible, pour qu’on n’ait pas à en changer, il recouvre pudiquement et avec élégance la volonté des sociétaires de vivre en paix et de s’enrichir indéfiniment. Les objectifs fondamentaux, à long terme, sont des réalités plus tangibles qu’on juge être des composantes nécessaires du but qu’on s’est fixé ou des étapes incontournables sur la voie qui y conduit. S’ils ne font pas consensus, la société est en travail, soit vers ce consensus, soit vers son éclatement.

Ces objectifs fondamentaux sont à long terme, mais perçus tout de même comme en voie d’être lentement réalisés. C’est en fonction de ces objectifs à long terme, qui vont servir de critères, que les gouvernements qui se succèdent à la tête de l’État vont établir des objectifs à court terme, dont on s’attend à ce qu’eux soient atteints. C’est pour atteindre ces objectifs à court terme, qui correspondent souvent à des engagements plus ou moins fermes des gouvernants envers leurs administrés, que de véritables plans doivent être dressés.

En production, tout quidam peut faire des plans et il est souhaitable que tout entrepreneur établisse les siens. il y a souvent avantage, au palier de l’exécution, à ce que les exécutants eux-mêmes les établissent. Au palier des échanges, si l’on veut que le peuple soit heureux, il est bon que ce soit les « forces du marché » qui les tracent, pour autant que celles-ci ne soient pas effrontément manipulées. À celui du plan global de production de la société, toutefois, c’est une chasse gardée que l’État normalement se réserve.

L’État ne doit pas déléguer à des entrepreneurs sa fonction de planification, pour deux raisons.

La première, c’est que la collectivité, incarnée par l’État, peut seule disposer de l’information la plus complète et donc décider au mieux des voies qui permettront à la société d’atteindre ses objectifs de production globaux. Seul l’État peut disposer de la « meilleure information » pour établir les liens, quantifier les paramètres et proposer un plan cohérent. C’est lui qui doit s’en charger. Sa planification peut être directive, incitative, indicative, normative mais c’est à lui de la faire.

Ce plan dont l’État a la responsabilité ne doit pas être confondu avec des myriades de règles particulières. Il doit être la cadre de référence et l ‘armature autour de laquelle les entrepreneurs bâtiront leurs propres plans. La planification de l’État n’a pas pour rôle d’obliger ou d’interdire quoi que ce soit, mais d’informer. Elle montre vers quoi la société a choisi de se diriger et comment les ressources de la collectivité seront disponibles pour faciliter la marche en direction de ces objectifs, alors que les gestes posés à l’encontre de ces objectifs consensuels devront louvoyer et risqueront de se trouver vent debout.

La responsabilité de planification de l’État est une diffusion aussi complète que possible de toute l’information disponible et une totale transparence quant aux politiques de l’État et à ses engagements. Les entrepreneurs doivent décider. Ce sont eux et non l’État qui doivent prendre les initiatives, parce qu’en leur donnant l’occasion de les prendre et d’en tirer profit, on s’assure que tous les efforts seront fait pour optimiser l’efficacité de ce qui sera fait et enrichir davantage la société. Quand une société évolue, le contenu du plan et les modalités de sa préparation peuvent changer, mais le principe de l’apport de l’État à ce titre ne change pas. Le plan est un service d’information rendu à tous par l’État et dont tous doivent pouvoir bénéficier également.

La deuxième raison pour laquelle la planification doit être l’affaire de l’État, c’est que le recours à l’entrepreneuriat pour la production n’est efficace qu’en situation de concurrence. Si c’est une entité entrepreneuriale qui intervient à la planification globale de la production, toute l’information à laquelle elle accède lui confère un avantage injustifié face à tous ses concurrents. Elle est aussi confrontée à la tentation, pour améliorer encore sa propre position concurrentielle, de ne PAS transmettre toute l’information à tous, de la transmettre sous une forme qui en décourage l’utilisation ou même de fausser les renseignements !

L’État ne se réserve pas la chasse gardée de la planification pour en exclure le secteur privé et il n’empêche personne de venir braconner dans le maquis de l’information publique. Il s’efforce seulement de ratisser le premier, d’en tirer tout ce qui peut servir et de le distribuer à tous, rendant donc ce braconnage inutile, sauf a qui aura découvert un nouveau gibier, auquel cas il est raisonnable que ce pionnier en ait le primeur, mais sans penser à s’en approprier l’exclusivité permanente.

Pierre JC Allard

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