Entre les 4 et 7 juin prochain (2009), les 27 Etats membres de l’Union Européenne vont voter au suffrage universel par circonscriptions et se choisir 736 représentants. En principe, les élus au Parlement de Strasbourg – qui siègent la plupart du temps à Bruxelles – constitueront le volet démocratique de la gouvernance de l’Union Européenne. Les trois quarts au moins des lois adoptées par les États nationaux devant se conformer aux directives de l’Union, on pourrait penser que ce qui se discute dans ce Parlement n’est pas sans intérêt. Et pourtant….
Pourtant, les élections européennes n’intéressent pas beaucoup les Français, ni les Allemands et les Anglais encore moins. Les Belges oui, mais c’est chez eux… Généralement la moitié des Européens ne votent pas à ces élections et il semble que cette fois ce sera pire. Pourquoi ce manque d’intérêt? Parce que le Parlement européen n’a ni vrai pouvoir ni autorité.
Pas de pouvoir, parce que, même si on lui demande bien son avis et qu’il a un droit de censure, il n’a pas l’initiative législative. Il ne propose pas des lois; il est le tampon sur des lois qu’on lui soumet. Les lois, c’est la Commission Européenne qui les propose, la Commission, qui est une création des États et non des peuples de l’Europe.
Le Parlement peut bien se prononcer sur ces lois qu’on lui propose, mais sur quelle base ? Les dossiers sont nombreux, complexes et leur technicité en rend la maitrise ardue. Les membres de la Commission ont derrière eux chacun une armée de fonctionnaires nationaux pour étudier les dossiers, les députés européens n’ont que des opinions. Ce sont donc ceux de la Commission qui ont, non seulement l’initiative des lois, mais aussi tous les atouts pour en discuter. Ils ont le haut du pavé, car ils parlent le langage des Eurocrates de Bruxelles et personne ne doute que ce soient eux qui aient le vrai pouvoir.
Les députés au parlement européen n’ont pas le pouvoir, soit, mais pourquoi leur en faire grief ? Le député au Luxembourg en a-t-il davantage ? C’est l’expertise, désormais, qui mène le monde et elle est a Bruxelles. On leur en fait grief, parce qu’ils n’ont pas non plus l’AUTORITÉ. Si un Président de l’Europe était élu au suffrage universel et devait rendre des comptes à ce Parlement européen, ce Président aurait l’autorité de la légitimité de son mandat populaire et le parlement celle de son mandat de surveillance des gestes de ce Président.
Même sans pouvoir exécutif, le Parlement européen aurait la force de cette autorité. On ne le contredirait pas à la légère, ni à la Commission, ni à Bruxelles. La population se sentirait REPRÉSENTÉE et elle s’impliquerait dans le choix de ses représentants. Impliquée, elle voterait davantage, augmentant d’autant la crédibilité des députés européens… et on serait sur la voie de bâtir une appartenance à l’Europe
Une vraie appartenance, car ces députés, responsables d’une politique européenne, ne suivraient que de très haut les méandres de la réglementation; les Eurocrates de Bruxelles peuvent le faire sans un suivi quotidien. Il se consacreraient à imaginer un avenir pour l’Europe et à en concevoir les grandes politiques. Ils ne se rangeraient plus ipso facto sous les bannières, Droite (PPE), Centre (ADLE) ou Gauche (PSE) qui font du parlement européen une projection caricaturale des clivages politiques nationaux. Ils se regrouperaient selon des critères pertinents à leur mission.
Les députés européens seraient utiles. Ils seraient intéressants. On voterait aux élections européennes avec passion, plutôt que de souhaiter qu’après 30 ans de leurs inepties, quelque Cromwell vienne enjoindre à ces notables en probation ou en préretraite – au nom du Christ ou du simple bon sens ! – de ramasser leur maroquins en rodage et de rentrer chez eux.
La semaine prochaine, on voudra nous dire ce que signifent les résultats de ces élections. Une autre démarche inutile, car nous savons déjà ce que signifie l’abstention qui en sera le résultat le plus marquant; elle signifie la profonde désaffection des Europens pour une démocratie reduite à un rideau de scène derrière lequel le vrai pouvoir s’agite.
L’attitude envers les élections européennes est emblématique de cette désaffection. On a rendu la démocratie inutile. On l’a rendue rididule et il n’en reste qu’une image de corruption et de non-signifiance. Il faut rebâtir la démocratie. On pourrait commencer à Strasbourg.
Pierre JC Allard